Les profondes mutations sociales et la crise sanitaire ont fragilisé les associations, qui doivent parfois repenser leurs logiques d’action. Pour cela, elles ont besoin de marges de manoeuvre financières, reposant sur des fonds propres solides. Comment les accompagner dans ces transitions ? Éléments de réponse.
Le secteur associatif connaît de profonds bouleversements depuis maintenant quelques décennies. Instabilité des financements publics, mutation des modes de contractualisation, concurrence des entreprises lucratives ou encore évolution des besoins des bénéficiaires sont autant d’éléments qui ont fragilisé les associations1.
La crise sanitaire n’a rien arrangé aux affaires si l’on s’en tient à la dernière étude sur la situation des associations un an après le début de l’épidémie de Covid-192.
Entre la gestion du travail à distance, la reprise des pouvoir se projeter, financer des expérimentations et investir pour relever de nouveaux défis… Ces ressources ont un nom : les fonds propres.
activités, la remobilisation des bénévoles, la baisse des revenus et la hausse des coûts, elles doivent encore faire face à de nombreux défis3. Ce contexte leur impose des changements de modèle et d’organisation importants.
Et pour cela, les associations doivent pouvoir compter sur des ressources financières stables, longues et sécurisantes afin de relancer l’activité, s’adapter, mais aussi pouvoir se projeter, financer des expérimentations et investir pour relever de nouveaux défis… Ces ressources ont un nom : les fonds propres.
Financer mais aussi sécuriser les modèles associatifs
Il convient tout d’abord de présenter la notion de fonds propres4. Tout comme les dettes (passif du bilan), les fonds propres servent à financer l’actif économique du bilan : les investissements et le besoin en fonds de roulement (BFR) – engagement de dépenses en attente de subventions, par exemple. À la différence des dettes, les fonds propres5 sont des ressources appartenant ou affectées durablement à l’association et sont une propriété collective et non répartissable.
Ils assurent ce que l’on appelle une « réserve de solvabilité »6. Autrement dit, ils prémunissent l’association contre les risques.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Les fonds propres sécurisent la structure. D’une part, ils amortissent les chocs – baisse de financement ou d’activité brutale, par exemple – en compensant, dans une certaine mesure, les pertes. D’autre part, ils répondent à des besoins plus difficilement finançables par d’autres partenaires – tels que les décalages de trésorerie récurrents, la recherche et développement (R&D), les expérimentations.
Les fonds propres sécurisent également les autres financeurs, qu’ils soient publics ou privés comme les banques, et permettent ainsi de faire levier sur d’autres ressources ô combien utiles pour investir.
On comprend mieux pourquoi les fonds propres sont nécessaires pour accompagner les transformations et relancer la machine après cette période de crise.
Des associations fragiles… Même avant la crise
Les associations disposent-elles suffisamment de fonds propres ? La réponse penche plutôt vers la négative, et cela même avant la crise de 2020. C’est ce que montre une étude interne menée sur les comptes de 2018 de 1 700 associations employeuses financées par France active.
On constate, premièrement, que la faiblesse des fonds propres se traduit par une souscapitalisation d’un quart des associations de l’échantillon. C’est-à-dire que leurs ressources longues (fonds propres et dettes moyen-long terme) ne couvrent pas les emplois longs tels que les immobilisations.
Cette situation limite donc les possibilités d’investissement.
Deuxièmement, cela se manifeste par des trésoreries fragiles. Pour rappel, la trésorerie permet de faire face aux échéances de court terme7. Alors que la moitié des associations de l’échantillon ont moins de 50 jours de trésorerie devant elles pour faire face à leurs charges, près de 40 % en ont pour moins d’un mois. Ces chiffres sont révélateurs d’une certaine fragilité : au moindre coup dur, l’association peut se retrouver en difficulté.
Ces tensions de financement sont visibles dans certains secteurs comme la culture, l’éducation populaire, le tourisme, le sport et la formation tandis que les associations du médico-social et de la santé (aide sociale, crèches et petite enfance, centres de santé, etc.) s’en sortent généralement mieux.
Cette étude montre donc que les associations bénéficient de faibles marges de manoeuvre financières. Les pertes enregistrées pendant la crise sanitaire n’ont sans doute dû rien arranger.
La question des excédents
D’où vient la faible marge de manoeuvre financière des associations, qui constitue une réelle fragilité ? Le plus souvent, d’un modèle économique générant de faibles excédents. L’étude menée par France Active montre que plus le taux de rentabilité est élevé, plus le niveau de fonds propres est haut et moins il y a de difficultés (niveau de capitalisation et de trésorerie). Cette réalité est fortement liée à la taille des structures.
Les associations employeuses de taille modeste (moins de 300 000 euros de budget) dans les secteurs comme la culture ou le sport peinent, par exemple, à avoir des modèles économiques qui génèrent des excédents. À l’inverse, les associations de plus grande taille (plus de 800 000 euros de budget) dans les secteurs de la santé ou des services à la personne dégagent une rentabilité plus élevée – même si le niveau demeure relativement bas, en deçà de 1 % –, ce qui constitue le meilleur moyen de renforcer leurs fonds propres.
La faiblesse des excédents peut expliquer les difficultés de financement des associations selon deux mécanismes cumulatifs.
D’une part, une rentabilité proche ou inférieure à zéro engendre des fonds propres relativement bas et donc des difficultés à mobiliser d’autres financements. D’autre part, la faiblesse des excédents joue aussi sur le montant des flux de trésorerie dégagés par l’association, c’est-à-dire sa capacité à rembourser ses dettes. Plus les excédents sont bas, moins l’association pourra emprunter.
Comment renforcer les fonds propres des associations ? Deux pistes semblent ressortir. Premièrement, le renforcement des fonds propres passera par la consolidation des modèles économiques des petites et moyennes associations dans le cadre, par exemple, d’un dialogue renouvelé avec les pouvoirs publics sur la question des excédents et d’un accompagnement du dispositif local d’accompagnement (DLA)8.
Deuxièmement, il faudra mobiliser des investisseurs solidaires capables d’apporter des fonds propres (en contrats d’apport, en dons ou subventions d’investissement) qui prendront leur part de risque aux côtés des associations. Ces moyens redonneront du souffle aux associations qui en ont bien besoin.
1.V. Tchernonog, L. Prouteau, Le Paysage associatif français – Mesures et évolutions, 3e éd., Juris éditions – Dalloz, coll. « Hors-série », 2019.
2. Recherches & Solidarités, Le Mouvement associatif, RNMA, DJEPVA, France générosités, Hexopée, « #Covid-19 : où en sont les associations un an après ? », juin 2021, JA 2021, no 642, p. 6, obs. E. Benazeth ; JA 2021, no 650, p. 21, étude C. Orchampt ; ibid., p. 24, étude H. Pénicaud in dossier « Politique associative – L’heure du bilan » ; v. égal. « Crise sanitaire – En quête de vie… associative ! », JA numéro spécial du 15 oct. 2021.
3.Dossier « Crise sanitaire – Toujours debout ! », JA 2020, no 626, p. 15 ; dossier « Vie associative – Se réinventer après la crise », JA 2021, no 642, p. 16.
4.V. égal. en p. 20 de ce dossier.
5.Depuis la réforme du plan comptable associatif, la terminologie « fonds associatifs » est remplacée par « fonds propres ». V. pour en savoir plus : règl. ANC no 2018-06 du 5 déc. 2018 ; dossier « Réforme comptable – Le compte est bon ! », JA 2019, no 602, p. 16 ; France active, CR DLA Financement, « La réforme du plan comptable associatif », sept. 2019.
6.La solvabilité désigne la capacité d’une entreprise à faire face à ses engagements à court, moyen et long terme.
7.Calculé en trésorerie nette = fonds de roulement – besoin en fonds de roulement.
Partenariat France Active – Juris Associations (n°662 du 1er juillet 2022)